[09/11/2002] Eaux Vives

Participants
– Jo, en visite dans la ludothèque de Ludo le gars qui fait le choix de barboter dans la rivière,
– Julie, qui apprécie ce jeu d’évolution, surtout qu’au niveau reproduction, elle s’y connaît la bougresse 😉
– Ludo le gars, votre serviteur.

Déroulement de la partie
Cela faisait des lustres que nous n’avions pas joué à Eaux vives, l’un des jeux les plus attachants de ma ludothèque, par son environnement décalé, et terriblement réaliste, mais surtout par l’âge de ce jeu (17 ans !) qui en fait un précurseur méritoire des jeux de survie et d’évolution.

Je relis la règle à haute voix, afin que chacun découvre ou re-découvre les mécanismes de jeu : 4 phases successives par joueur et par tour, la consommation
(générant des déplacements, des déchets et
des morts), la reproduction, la colonisation et enfin la transformation
des matières organiques en sels minéraux.
Oui, on a fait du culturel, ce soir, Messieurs dames, on n’est pas là
pour plaisanter !.


Jérôme ajoute quelques bébettes jaunes dans le
lit du ruisseau…

Le début de partie est très
agréable et fluide finalement. En effet, l’idée préconçue
qu’avec un tel matériel et une thématique aussi présente
la jouabilité doit être difficile, est une pure bêtise
à Eaux vives. Dans ce jeu, on se fait plaisir en suivant la logique
implacable de l’écosystème : les végétaux
sont mangés par les consommateurs primaires, qui eux-mêmes
sont la proie des secondaires, etc…
Jérôme acroche très vite au thème et à
la mécanique et au bout de 3 ou 4 tours, ses pions jaunes sont
relativement bien implantés sur le plateau.
Julie, avec ses bestioles rouges est plus en retrait, disons qu’elle est
à l’affut de nos erreurs.
De mon côté, je me sens bien en place, avec une île
centrale relativement verdoyante.

Bien qu’ayant énoncé en amont
une évidence : « commencez par placer vos végétaux,
puis vos consommateurs primaires et ainsi de suite, avant de placer de
trop gros poissons qui ne pourraient pas survivre dès le départ »,
je ne respecte que très peu cette logique et je place des poissons
de taille 3 et 4 assez rapidement, imité par Jérôme
le tour suivant..


Le plateau parfaitement vide : cela ne durera pas longtemps…


Le lit du ruisseau après 6 tours de jeu : chaque variété
d’espèce semble se focaliser sur une île distincte, malgré
quelques rebelles…


Je m’apprête à entamer mon tour de
jeu : quels sont mes poissons qui ne survivront pas à la raréfaction
des espèces ?

La suite de la partie est toujours aussi intéressante,
avec les fameuses vagues de naissances et de morts, très réalistes
et très difficiles à anticiper.
Si le jeu s’arrêtait dès le 11ème tour, Jérôme,
mais surtout Julie, seraient très mal en point. Jet de dé
pour savoir si la partie s’arrête à ce tour… Non, on repart
pour au moins un tour !


Une vue rapprochée du plateau illustrant comment fonctionne
l’écosystème : les végétaux rouges (pions
P) vont être mangés par le pion C1 vert, qui lui même,
après reproduction, constituera le repas des pions jaunes C2, si
ceux-ci ne sont pas mangés auparavant par les 2 pions C4 en dehors
des zones rocheuses (en effet, un gros poisson ne peut pas se nourrir
dans les infractuosités des rochers).

Le 14ème tour et le 15ème tour
sont très équilibrés et bien malin qui pourrait indiquer
le nom du gagnant en début de tour.
En fin de 15ème tour, le jeu s’arrête enfin après
une lutte acharnée de plus de 2 heures 30, sur un jet de dé
libérateur.

Ce qui est excellent dans ce jeu, c’est l’impression de vagues successives
de développement des espèces : un accroissement notable
des poissons de grande taille conduit à un affaiblissement des
réserves de petits poissons, ce qui nous invite à planter
des végétaux, mais trop de végétaux consomment
trop de sels mnéraux, donc ils meurent, ce qui favorise une phase
de poissons, etc…
Nous subissons, tour à tour, les effets du manque de sels minéraux
pour nos végétaux et cela est très frustrant…


Je termine mon tour de jeu en tentant une colonisation des végétaux
rouges de Julie sur ma droite : miam miam…

La partie dure et dure encore… 12ème, puis 13ème,
puis 14ème tour, et toujours pas de tirage de dé salvateur
!
Les tours sont de plus en plus longs, avec des phases de réflexion
poussées et des retournements de situation permanents : en fin
de 12 ème tour, alors que j’ai été en tête
quasiment tout le temps, je suis complètement dépassé
: mes végétaux meurent par manque de sels minéraux,
et mes poissons disparaissent également par manque de proies. J’ai
un mal fou à me reprodurie, à cause d’un placement judicieux
de mes adversaires…
Mais ce n’est pas le dernier tour…

Julie subit la même vague d’extinction et, du coup,
le jeu semble s’orienter vers une remontée de Jérôme…
Mais ce ne sera pas le dernier tour non plus…

Cliquez pour agrandir !
La configuration finale du plateau, en fin de 15ème tour…

Décompte final
Je remporte cette très belle partie d’Eaux vives
avec un total de 16 pions, contre 15 pour Jérôme et 13 pour Julie.
Serré, serré…
Le détail des pions dans le ruisseau est le suivant :

Catégorie
Jérôme
Julie
Ludo le gars
Total
P
12
7
9
28
C1
0
6
3
9
C2
0
0
1
1
C3
1
0
0
1
C4
2
0
3
5
Total
15
13
16
44

Débriefing
Magnifiquement pensé, Eaux vives est un un petit bijou pour tous les
amateurs de jeux de stratégie dépouillé et agréable.
Quel plaisir de contempler l’évolution de l’écosystème
dans ce petit ruisseau, si paisible en apparence. Quel plaisir d’étendre
ses espèces en essayant de survivre au milieu de la loi de la nature
: je te mange, mais je sais qu’on me mangera plus tard. Même la grosse
truite de taille 4, à priori le plus gros prédateur, sait que
sa vie est éphémère et qu’elle sera bientôt transformée
en matière organique puis en sels minéraux et qu’elle alimentera
alors les végétaux, pour un nouveau cycle…

Le plateau, je le trouve joli. Les pions, c’est vrai, ne sont pas très
réussi et il est difficile de visualiser un seul coup d’oeil où
se trouvent les poissons de grande taille et les végétaux par
exemple.
En faisant abstraction du matériel, on ne peut qu’être admiratif
devant un tel chef d’oeuvre ludique. N’ayons pas peur des mots : Eaux vives
est une totale réussite,
fluide et formidablement inventive. Aucun jeu d’évolution actuel ne lui
arrive à la cheville, tant le thème du jeu et la mécanique
sont présents et limpides.

Il semble qu’aucune stratégie ne conduise systématiquement à
la victoire, mais il est vrai qu’il vaut mieux être le prédateur
au bon moment, c’est à dire lorsque vos adversaires vont vous nourrir
sans s’en rendre compte…
Le jeu se construit au fur et à mesure et on mise sur le long terme lors
des 7 ou 8 premiers tours. Après… c’est une autre affaire, sachant
que l’on ignore le gong de fin de partie, et on joue alors au coup par coup,
en tentant de placer des pions pour marquer des points immédiats, quitte
à ne pas assurer leur survie longtemps en cas de prolongation du jeu…
Un seul défaut à notre goût : l’ordre du tour, très
important pour ne pas se faire manger par ses congénères, tout
particulièrement en fin de partie, est fixe et un joueur placé
en première place (Jérôme) sait pertinemment qu’il subira
les foudres de ses adversaires avant que le jeu ne s’arrête. A l’inverse,
le joueur placé dernier (votre serviteur) maîtrise beaucoup plus
son destin puisqu’il lui est laissé la liberté de manger qui il
veut, afin notamment de doubler quelqu’un au score…
Il conviendrait d’aménager cet aspect, afin de permettre
la modification de l’ordre du tour. Un système de mises pourrait, à
mon avis, se révéler judicieux, pour au moins deux raisons :
– Chacun peut ainsi maîtriser sa position et donc ne peut plus invoquer
la malchance d’être premier joueur,
– Il est possible de jouer deux fois de suite : miser beaucoup pour se placer
dernier lors du tour T et premier lors du tour T+1. Dans certains cas, cela
peut être intéressant.
La question essentielle est de savoir quoi miser ? Nous y reviendrons.

Un excellent jeu, que je proposerai peut-être en téléchargement
un de ces jours…

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